« Je crains bien de ne pouvoir m'expliquer moi-même... car je ne suis pas moi-même, vous comprenez.»Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles
Il était tard et le silence régnait dans la maison. Le feu de la cheminée éclairait paisiblement la pièce. Ce semblant de tranquillité pesait sur cet homme. Son crayon à la main, comme il avait l’habitude, il était prêt à le faire. Il n’y croyait pas pourtant, mais l’espoir de la revoir debout devant lui le hantait. Il ne lui fallut pas longtemps avant de se décider. Une précieuse concentration, pour un travail d’orfèvre. Il ne leva pas les yeux du papier avant d’avoir terminé. D’un côté il avait peur mais l’excitation l’emportait. Il n’oublia rien, pas même sa petite cicatrice sous la lèvre. Il déposa son crayon sur la table, passant au crible le dessin. Il leva enfin la tête pour l’apercevoir. Elle était réellement là. Tout ce qu’on disait était donc vrai. Son erreur, sa si belle erreur, avait prit la forme de sa propre fille. La ressemblance était frappante. Les larmes lui coulaient sur les joues. Qu’avait-il fait ?! Elle était là, devant ses yeux et pourtant elle n’était pas là, ca ne pouvait pas être elle. Ca ne le serait jamais !
Ce n’était qu’un dessin après tout. Il posa ses mains sur son bureau et se leva doucement. Il ne toucha plus à rien. Laissant le dessin, qui était sorti de la feuille, seul et abandonné, il ferma simplement la porte à clé derrière lui.
Le petit garçon était sorti de son lit. Ce soir-là il ne parvenait pas à dormir. Il voulait simplement regarder la télé à l’insu de ses parents le temps de trouver le sommeil. Il n’entendit que les sanglots de son père. A moitié caché dans l’escalier, il tentait de comprendre ce qui pouvait le mettre dans cet état. Pas même à la mort de sa sœur il ne l’avait vu pleurer. L’homme sortit du bureau la tête baissée, se forçant à ne pas regarder à l’intérieur. Le petit ne voulu pas rester dans les parages pour se confronter à son père. Il se dépêcha de retourner dans sa chambre comme il en était sortit, sans un bruit. C’était un enfant futé et curieux. Il attendit des heures avant d’oser ressortir de sa chambre. Il se faufila dans la chambre de ses parents et vola la clé du bureau. Il avait l’habitude de le faire. En entrant dans le bureau, il ne remarqua pas le dessin qui s’était placé à coté d’une plante dans un coin de la pièce. S’asseyant sur la chaise, le garçon jeta un coup d’œil sur la feuille posée là. Il la reconnu. Son regard s’attrista.
Elle lui manquait tellement. Son père était un grand dessinateur mais il n’aimait que la perfection. Souvent il passait à coté de ce qui nous rend unique. Il manquait ce sourire. Celui qui la caractérisait tant. Celui qui la rendait si irremplaçable. Il ouvrit le capuchon du stylo posé là et s’étonna ne voyant pas de pointe pour écrire. Il secoua quelques fois le stylo pour que la pointe sorte, mais rien. Il comprit qu’il fallait souffler, alors il souffla de toutes ses forces au dessus du croquis pour la voir sourire une dernière fois.
C’était un enfant, il n’avait que 13 ans et il n’avait pas réalisé l’ampleur de son acte. Elle pouvait enfin parler. Elle appela le petit garçon
< Somi ? >. Il n’en revenait pas, elle était là. C’était un fantôme ? A moins que son souhait n’ait été réalisé ? Il la regardait les yeux écarquillés ne comprenant pas d’où elle venait. Il couru vers elle et la prit dans ses bras, la serrant aussi fort que possible.
< PAPA, MAMAN ! > hurla-t-il de toutes ses forces jusqu’à ce que quelqu’un enfin entende.
< Regarde papa, elle là ! Byul Pa est là ! >. Les yeux de l’homme s’écarquillèrent. Il avait espéré qu’elle ne serait qu’un cauchemar, que rien de tout ça n’était arrivé. Il l’attrapa par le bras et la chassa hors de chez lui. La neige tombait dans l’entrée. Le froid envahit la maison. Sa fille était frigorifiée à quelques pas devant lui. L’homme, attendri, lui tendit un manteau et lui donna de l’argent.
< Je suis désolé, tu ne peux pas rester. > Ce n’était pas sa faute de ne pas atteindre les espérances de son créateur. Il leva le doigt lui faisant signe d’attendre. Il avait rempli un sac des affaires de sa vraie fille. Il ne lui adressa pas la parole, il lui tendit juste le sac. Il referma à nouveau la porte au nez, l’abandonnant dans les rues de ce quartier chic. Le petit attrapa le dessin craignant que son père ne le brule ni le déchire. Il venait de chasser sa sœur et ce dessin était tout ce qui lui restait d’elle. L’homme chercha le bout de papier sur son bureau mais ne le trouva pas. Il balaya le bureau du regard et comprit voyant les bras de son fils dans son dos.
< Donnes le moi. > Le petit éclata en sanglots.
< Jamais ! TU PEUX PAS LA DECHIRER ! T’ES UN MONSTRE ! A CAUSE DE TOI ELLE EST PLUS LA ! >. La feuille tomba par terre. Le père enlaça son fils pour le consoler. Il ramassa le dessin.
< On va le garder, t’en fais pas. >Elle erra dans les rues de la ville. Elle réfléchissait à un moyen de retourner chez elle. Elle devait se faire pardonner pour ce qu’elle avait dû faire et qui avait mit son père autant en colère. Et quoi de mieux que de rendre ses parents fiers. Elle s’assit à un arrêt de bus. Un poster géant de
< MagiKpen ? > lui faisait face. Ce nom lui était familier. L’enfant sur la pub était si heureux. Elle sourit. Elle voulait rendre les gens heureux elle aussi. Elle s’allongea sur ce banc, attendant d’avoir une idée.
< Je ne peux pas rentrer… > Elle regarda plus attentivement l’affiche.
< MAGIKPEN ! > Elle se releva en un bond. En travaillant à MagiKpen elle rendrait les gens heureux, comme cet enfant. Et donc par la même occasion elle rendrait ses parents fiers et elle regagnerait sa place dans sa famille. Au petit matin elle demanda son chemin, vers les locaux de MagiKpen. Elle entra et exigea un poste. On lui rit au nez mais elle obtint une réponse. Il fallait qu’elle étudie pour pouvoir travailler. Dans les mois qui suivirent, elle trouva un travail de serveuse dans un café brocante et économisa pour se payer une école de commerce. Rapidement elle retourna à MagiKpen et elle fut embauchée en tant que réceptionniste. Mais son entrain, sa détermination et ses bonnes notes ne passèrent pas inaperçu. De réceptionniste elle passa à secrétaire et de secrétaire elle devint assistante. L’assistante personnelle de Soo Ah. Ce travail n’est pas de tout repos mais elle sait que ça en vaut la peine.
Un jour elle pourra retourner chez elle et sa famille l’accueillera à bras ouverts.