Lee Jun

Ce que j’étais avant ce n’est pas le plus important. Ce qui importe c’est comment je suis devenue qui je suis aujourd’hui. L’enfance tranquille, les parents sympas, tout ça. C’est commun, rien de bien intéressant. Je n’ai jamais souffert de l’absence d’un parent, ni de harcèlement à l’école. J’étais plutôt populaire. Alors pas de petits détails croustillants pour avoir pitié de moi. Je ne me suis jamais donné à fond à l’école à part en cours de sport, parce que je n’étais pas capable de rester tranquille plusieurs heures, assis sur une chaise comme un gentil garçon.

Je n’avais jamais vraiment souffert jusqu’à ce que je le rencontre. En croisant son regard, je n’avais pas idée de ce que j’allais subir. Si j’avais su qu’il me foutrait en l’air jamais je ne lui aurai adressé la parole. Il était nouveau au lycée et je ne cachais pas mon attirance pour les hommes. Tout le monde était au courant et même si parfois je devais me battre, il était hors de question que frôle les murs. J’avais le droit de vivre comme tout le monde.

Un seul regard avait suffi pour me toucher en plein cœur. Ce p*tain de regard qui avait littéralement transpercé mon âme. Il n’était pas prêt à se dévoiler, alors j’acceptais les miettes qu’il me donnait. J’étais accro à lui. J’acceptais de l’embrasser uniquement à l’abris des regards, de garder mes distances devant les autres. Il avait besoin de temps. Alors notre histoire n’était peut-être pas la plus belle, mais c’était la nôtre et j’aurai donné ma vie pour lui.

Il m’aimait, je le sentais, je le connaissais par cœur. Je lui avais d’ailleurs donné et il l’avait piétiné. Il était parti. Comme ça, du jour au lendemain. Sans donner de nouvelles. Plus de téléphone. Plus rien. Il avait disparu, sans me prévenir. Je l’avais haï. Il avait foutu nos projets en l’air. J’avais mon diplôme mais plus aucune envie de vivre sans lui. Je me suis laissé dépérir, j’ai commencé à sortir, à boire un peu trop et à fumer. Et puis je me suis laissé embarqué. Un petit raïl de coke ou d’héro. C’était plutôt pas mal, dans ces moments-là, je ne pensais plus à lui et j’arrivais enfin à remonter la pente.

On m’a contacté pour un casting. Être mannequin ? Je n’y avais jamais réfléchi. Alors c’était agréable pour mon égo de me voir sur des affiches, de poser pour quelques marques. J’avais toujours besoin d’argent pour m’acheter ma poudre. J’étais accro, un vrai toxico. Et je faisais de mon mieux pour le cacher. Mon salaire ne suffisait pas pour payer le loyer et mon élixir. Alors je me suis inscris sur un site internet. Escort ça rapporte.

Je me dégoute quand je regarde mon reflet dans le miroir et pourtant, je ne fais rien pour m’en sortir. Je me laisse aller, c’est tellement plus simple. La voilà ma souffrance. Ma souffrance ne vient pas de mon enfance, elle vient de son fantôme.