Seo Akira

Il faut croire que quand je suis apparue il m’a considéré comme un don du ciel. Je me souviens de son regard émerveillé, de ses mains douces qui me détaillaient. J’avais à peine esquisser un sourire car la fatigue m’avait étreint. Je m’étais endormie dans ses bras qui me semblaient si chauds, si confortables… j’ai même le petit souvenir d’une douce berceuse au creux de mon oreille. C’était parti bien vite.

Peu à peu, à travers les semaines qui défilaient je voyais l’acharnement de mon géniteur pour créer sans cesse plus, toujours plus. Il lui arrivait souvent de créer puis de détruire. Sans vergogne, sans pitié. De son vrai nom, Seo Han Joon, était un dessinateur réputé dont la popularité était grandissante mais je sentis bien vite que tout cela lui montait à la tête. Sa douceur avait disparu tout comme le touché délicat de son crayon sur la feuille. Il déchirait encore plus, râlant encore et encore. Pauvre papier. Le voir ainsi traiter mes semblables qu’il illustrait parfois me donnait des haut le cœur.  Pourtant… je l’aimais toujours en dépit de cela. En secret, en silence dans ma petite chambre à l’étage il m’arrivait de rêver de lui, de son sourire d’antan ainsi que de ses mains avec lesquelles il m’avait faite.
Le succès se fit de plus en plus populaire. Je me raccrochais aux petits moments que nous avions de temps à autres mais il devenait plus sombre. Ses mots me blessaient : je n’étais pas assez bien, mon corps était hideux etc…

Un soir, alors qu’il me brutalisait je l’empêchais finalement de mettre ma feuille au feu. Sa création le répugnait. Il ne voulait plus de moi.
Je m’étais donc recroquevillée sur le sol, regardant ma feuille intacte non loin de là. Un éclair avait déchiré le ciel. Vint l’orage. Ses pas s’activèrent dans la maison, le cliquetis d’une valise et bientôt la porte d’entrée qui s’ouvre.

« Tu me dois tout. Tu n’es vraiment qu’une garce… je te laisse à ton sort. »

Ses bottes martelaient le bitume au dehors tandis que je fixais d’un œil implorant l’antre de la cheminée s’éteignant peu à peu. Maintenant je vis seule, je me bats seule pour subvenir à mes besoins. Je ne dois ça à personne… Même si il m’arrive de le chercher je me chuchote parfois que ce serait pour me venger de m’avoir autant blesser.